"Ma puce est née trop tôt, 2 mois pour être exacte. Ce genre de choses arrive pour différentes raisons: naissances multiples, pré-éclampsie, infection du placenta, ou tout simplement coup de malchance.
Pour moi, pour nous, tout est allé assez vite, je n'ai presque pas eu le temps d'avoir peur, enfin, pas avant. la naissance L'équipe médicale qui a fait la césarienne était géniale, hyper rassurante et positive. J'ai pu voir ma fille avant de partir en salle de réveil et comprendre qu'elle allait bien: le bébé qui donnait des coups de pied dans mon ventre il y a quelques heures seulement, c'était bien le même qui faisait les pieds au mur sur la table chauffante.
Elle était trop petite bien sur, il a fallu la transférer en réa. On dit "réa", "réanimation" cela fait trop peur, c'est pour les asphyxiés, les gens dans le coma. Pour les prémas, c'est le service des plus fragiles, des plus petits. La première visite est impressionnante. Il faut se laver les mains plusieurs minutes comme si on était un chirurgien qui rentre au bloc, on passe une blouse à usage unique, on attache ses cheveux, on se remet du gel antibactérien sur les mains toutes les 5 minutes. Les bébés sont tout petits dans de grandes couveuses, avec un harnachement d'électrodes et de tubes. Les machines bippent tout le temps: c'est la seringue d'alimentation qui est vide, la petite voisine qui fait de l'apnée, le coeur du petit voisin qui a eu un raté.
L'infirmière tape au carreau de la couveuse pour stimuler l'enfant et lui dit "je ne note rien cette fois-ci, on en va pas inquiéter Papa et Maman, mais tu ne recommence pas, hein?". Il y a de grandes feuilles de papier à coté de chaque couveuse. On prend l'habitude de venir regarder la feuille tout de suite en arrivant pour avoir les derniers chiffres: le poids du bébé, les progrès d'alimentation de 5 ml en 5 ml, le passage d'un médecin spécialiste en notre absence.
En réa, on parle à son bébé, on parle à son conjoint, on parle aux infirmières mais on ne se parle pas entre parents. Chacun est dans son tunnel, agrippé à l'idée de son enfant à lui n'est pas dans le plus mauvais état, que si la foudre tombe ce sera à coté mais pas sur nous, pas sur nous. 10 grammes de moins sur la feuille de poids et je ne dormais plus. 10 grammes de plus et j'avais un sourire bête visé sur les lèvres toute la journée. Les médecins ne disent pas grand chose, ils attendent de voir et c'est cela qui est terrible pour les parents: attendre de savoir si son enfant va vivre, s'il aura des séquelles, s'il va grandir normalement. C'est là que j'ai eu le temps d'avoir peur.
Au bout de 15 jours, Ma puce allait mieux alors elle a été transférée en "néonatalité". On dit "néonat", mais pas par crainte cette fois, c'est plutôt affectueux. Là, les enfants sont globalement tirés d'affaire, ils ont juste besoin de finir leur croissance avant l'autorisation de sortie. Alors on papote entre parents, on se fait presque des copains de chambrée. On échange nos histoires, quelques projets aussi. Les papas viennent raconter que la chambre du bébé est prête pour lui, dès qu'il sera autonome pour respirer sans tube et manger sans seringue.
Etre maman de préma, c'est être maman trop tôt. On est propulsée devant un tout petit branché sur une machine et qu'il faut apprendre à aimer. J'ai mis 48 heures à tomber amoureuse de ma fille, j'ose à peine l'avouer. Comme j'ai envié son papa qui était capable de lui dire "je t'aime" dès les premières heures.
Etre maman de préma, c'est donner son lait une machine les premières semaines parce que le bébé n'a pas encore le réflexe de succion et ne pourrait pas têter. C'est se réveiller la nuit toute seule pour une séance de tire-lait en se disant que c'est l'une des rares choses qu'on peut faire pour son enfant, comme on n'a pas été "f**ue" de le porter plus longtemps. C'est envier les autres mamans en salle de tire-lait à l'hôpital, celles qui remplissent un biberon de 200 ml d'un seul coup.Etre maman de préma, c'est recevoir une super formation d'apprentie puéricultrice par les meilleures infirmières. En 2 mois, on a le temps d'apprendre les bons gestes pour donner le bain, changer la couche, gérer une tétée ou un biberon. Une fois à la maison, c'est fou comme on a moins d'appréhension que les copines qui sont rentrées au bout de 48 heures à la maternité et qui avaient "peur de le casser".
Etre maman de préma, c'est rencontrer des professionnels formidables, avec un sens de l'humain, toujours le mot juste aussi bien pour les touts petits ("Attention, ma puce, je te pique avec la seringue") que les parents, et qui s'effacent devant le service qu'ils rendent. J'ai su le nom des médecins mais seulement le prénom des infirmières, même celle qui a sauvé la vie de Ma puce avec son bon réflexe. Tiphaine, je ne vous oublierai jamais.
Etre maman de préma, c'est avoir vécu un truc de plus. On raconte ses semaines d'hôpital comme on raconte ses guerres, c'est sur que cela fait plus de choses à dire que celles qui ont juste un accouchement un peu sportif et 3 jours à la mater' à leur actif.
Etre maman de préma, c'est une raison de plus d'être fière de son enfant, de ses progrès, de sa croissance. Elle est grande pour son âge "surtout si on compte en âge corrigé", c'est à dire l'âge qu'elle aurait eu si elle était née à terme, 2 mois de moins pour Ma puce.
L'autre jour, je suis passée devant "notre" hôpital au moment où une ambulance du SAMU pédiatrique arrivait, surement avec un tout-petit transféré depuis un autre hôpital qui n'a pas de service de réa. C'est plus fort que moi, j'ai fondu en larmes au beau milieu du trottoir. Et pourtant, 2 ans plus tard, quand je vois Ma puce chanter et sauter, je sais qu'être maman de préma, c'est avoir toutes les raisons d'espérer."
Merci pour ce texte très touchant qui m'a tire une larme en ce dimanche matin, mon tout petit d' un mois sur les genoux.
RépondreSupprimerJe n'ai pas connu la prématurité. Plutôt l'inverse avec ma fille née a J+6 et mon fils le jour du terme. Je ne peux qu'imaginer mais ce texte si bien écrit nous permet de se mettre a la place d' une maman de prema, même juste un tout petit peu.
encore merci et bonne continuation.
Ce texte est magnifique. Merci
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai versé une larme... Même si la fin est heureuse.
RépondreSupprimerAurélie
Il y a 3 ans, ma cousine a donné naissance à un très grand prématuré (25SA) qui se porte aujourd'hui à merveille. Merci pour ce texte qui me parle beaucoup car la prématurité touche toute la famille.
RépondreSupprimerIl a 20 mois. On a passé 3 semaines en neonat (en chambre mère enfant), il est arrivé 1 mois 1/2 trop tôt.
RépondreSupprimerIl a une telle énergie de vivre pleinement (ça épuise!).
Etre maman + tot que prévu me parle tellement.
Ton texte est si juste.
Evidemment je suis émue. Evidemment...
Etant maman de prémas (jumeaux), je ne peux que comprendre ton texte et en être toujours aussi émue ! Merci pour ce beau témoignage !
RépondreSupprimerVanessa
Très beau texte et très émouvant. Étant moi même ancienne grande préma, née à 26 semaines de grossesse.
RépondreSupprimerJ'aime me dire que quelqu'un a veillé près de moi très longtemps comme vous sur votre puce.
Très certainement une équipe médicale formidable comme celle que vous avez rencontré, car je n'ai pas eu la chance d'avoir au départ de maman ou de papa à mes côtés.
Cela m'a donné une grande force de caractère et la chance de m'épanouir avec des parents au top quelques temps après.
Un grand merci à toutes ces personnes qui accompagnent si bien les bébés et les parents dans ces débuts si difficile.
Magnifique texte ! <3
RépondreSupprimerJe n'ai pas vécu ce calvaire, aucun de mes proches ne l'a vécu, mais je n'ai pu qu'être touchée par ton témoignage...
Un texte très juste et très beau. Maman d'une petite préma (31SA), je m'y retrouve totalement !
RépondreSupprimerJe fais partie de ces veilleuses, de ces puéricultrices qui veillent sur les petits trésors de la nature en néonat (en réa comme en médecine), je suis maman d'un petit de 2ans et attends sa petite soeur pour dans 1 mois.
RépondreSupprimerVôtre texte m'a beaucoup émue. On sait la douleur que c'est pour une mère d'être séparée de sa chair, on sait la difficulté d'attachement d'une mère à son enfant, le sentiment de culpabilité. On sait tout ça.
Mais le lire me pince toujours le coeur. Et à ce jour, enceinte de 35SA, même si je me dis que ma puce ne sera pas préma, elle peut toujours avoir un souci même à terme. Et vôtre texte est le reflet d'une dure bataille que vous, parents, vous menez au quotidien pour garder la tête hors de l'eau.
Certes les professionnels font beaucoup pour vos bouts d'choux, mais le maillon essentiel, ça reste vous.
Bravo pour votre courage et pour ce joli témoignage.
Je suis également maman d'un grand préma né à 31SA + 4j. Il a aujourd'hui 3 ans et demi et se porte très bien, ce qu'il lui reste aujourd'hui de sa naissance, c'est une fragilité respiratoire avec de l'asthme et un petit poids mais surtout cette fougue pour bouffer la vie et profiter de chaque instant!! c'est ce que je retiens le plus.
RépondreSupprimerPar contre tous ces souvenirs aont ancrés en moi, les bips, la courbe de poids, la gentillesse des puéricultrices, le gel antibactérien, les autres parents qu'on croise sans se parler, les bib de lait qu'on a du mal à remplir au début :-), ces heures (journées entières en fait) passées avec lui dans mon tee-shirt à faire du peau à peau dès qu'il a pu sortir de sa couveuse.
Et tout comme toi cette assurance quand on l'a ramené à la maison, easy sans fil au final parce que le changement de couche dans la couveuse avec tous les fils sur un mini bébé de 1,4 kg, ça complique quand même un peu la tâche.
Même s'il a été intubé et qu'il y avait des risques je n'ai pas eu besoin d'espoir, je savais qu'il allait bien.
c'est un magnifique témoignage qui me laisse les larmes aux yeux devant tant d'amour, d'objectivité et de sensibilité!
RépondreSupprimerC'est en lisant ceci et en entendant les parents en parler que je suis fière d'aller au travail m'occuper de "mes pioupious" et de toujours donner le meilleur de moi même parce que chaque enfant est unique et qu'il n'y a rien de plus beau que de les voir quitter la "réa" pour aller chez les "grands"
Merci pour ce témoignage ! Maman d'une grande préma, je me sens parfois comme une extraterrestre dans le monde des mamans. Alors lire un tel temoignage me fait du bien :-) Je n'ai pas vu ma fille en rea car j'y suis restée plus longtemps qu'elle mais j'ai connu ces sentiments, ces craintes et cette immense fierté, encore aujourd'hui en admirant ma championne de deux ans. Jamais je n'oublierai certains prénoms, j'aime d'amour ces puéricultrices qui nous ont tant donné.
RépondreSupprimerC'est tellement ca. Je me retrouve completement dans vos mots. Mon 1er enfant, la grossesse 'parfaite' jusqu'a 36 semaines, puis boum. j'accouche, "Ne vous inquietez pas, il n'est pas vraiment prema a cette date la". Oui mais, infection pulmonaire et soins intensifs a l'arrivee... Mon petit homme vient souffler sa 1ere bougie et tout va maintenant tres bien. Mais, un an apres, je me suis rendue compte que les souvenirs des semaines passees neonat sont encore tres vivaces. Merci pour ce texte qui m'a profondement touchée.
RépondreSupprimerJe me retrouve un peu dans ce réçit très bien écrit.
RépondreSupprimerMoi aussi, mon enfant est né préma à 35SA. Pourtant, le troisième trimestre commencait bien, je goutais au repos d'un congé mater attendu. Bébé était dans les starting blocs. La tête en bas, tout parfait. Il a tout fait parfaitement... mais moi, je n'ai pas su le garder. Pourquoi ? On ne saura jamais. Une brusque fièvre sans raison. L'appel à la maternité pour savoir quoi faire. "Prenez du doliprane et rappelez nous ". Il est 23h... a 3h du matin, pas d'évolution, toujours cette satanée fièvre. On rappele la mater qui nous fait venir en urgence. Et puis des monitos, encore et toujours pendant cet interminable dimanche. Bébé ne va pas super super mais si on stoppe la fièvre, il ira mieux. Le papa n'a pas pu rester. Je reste seule dans ma chambre accablée par cette fièvre. Pourquoi ? A 18h, on me refait un monito et là, quelque chose ne va plus du tout. Bébé souffre. Son coeur défaille... on m'emmène en urgence en salle d'accouchement, sans papa. Et on m'annonce que l'on va sortir le bébé en urgence par césarienne. On ne me demande plus mon avis, on décide pour moi pour la survie de bébé. Je suis si seule. Le papa est sur la route mais il lui faut quand même 20 bonnes minutes, 20 très longues minutes. Je supplie que l'on attende mon mari. Je veux qu'il voit son bébé, qu'il entende son premier cri. On me dit que non, on ne peu plus attendre. Et je pleure, je pleure toute les larmes de mon corps. J'ai peur lorsque l'on m'emmène dans ce long couloir jusque la salle d'opération. Je ne suis pas prête à être maman, non, c'est trop tôt pour moi, pour lui, pour nous... et puis cet accouchement par voie basse dont je rêvais tant, je l'avais tant préparer. Quel gachis.
Je suis sur la table d'opération, j'ai mal, je panique. Je tiens la main de l'anesthésiste. Je ne veux pas être seule. Mon mari n'est toujours pas là... on me "gaze". Tout va alors très vite. Et à un moment, on m'enlève le masque où circule ce mélange d'oxygène et de gaz décontractant et je retrouve mes esprits. J'entends les pleurs d'un bébé, le mien ? On me le présente, je pleure et juste derrière, le papa. Il est arrivé tout juste tout juste.
Mais déjà on me le retire pour lui donner les premiers soins vitaux... et moi,je retourne dans les limbes... je me réveille seule sans mon bébé. Sans mon petit ventre rebondi. On m'a arraché de mon corps ce petit bébé que j'attendais avec impatience et on me prive de lui, pour son bien.
Nolan est né, son papa restera auprès de lui pendant ses premières heures. Je ne veux pas qu'il reste seul sans son papa. Je ne peux pas être auprès de lui, je n'assisterai pas à ses premières heures de vie. J'ai tout raté, tout gaché... il est sorti trop tôt à cause de moi.
On ne trouvera jamais la cause de la fièvre. L'infection n'est retrouvée nulle part. La fièvre est partie comme elle est venue.
Mon petit chat restera une semaine en couveuse. Je tire mon lait pour mon tout petit, il est nourrit pas sonde. Il est trop faible pour se nourrir seul.
Et puis après ? De bonnes nouvelles tout les jours. Il prend du poids. Il se bat pour manger tout seul et sortir pour nous retrouver à la maison. L'équipe soignante est là, gentille mais toute cette médicalisation m'oppresse... vivement la sortie !
Cela fait maintenant 4 mois que mon fils est né. Il se porte à merveille, ouf ! Il est toujours pressé de faire de nouvelles choses. On lui dit de prendre son temps mais monsieur est pressé de tout. Il déteste être à la maison. Alors on sort, on promène le chien. Le vent qui fait bouger les arbres le fascine, les caresses sur les pieds le fait sourire. Il vit, il est en bonne santé et quelque part, c'est le principal...
Tout acte médical nécessite le consentement éclairé du ou de la patiente... Incroyable cette césarienne où on ne demande pas préalablement l'accord de la maman, en lui parlant des bénéfices et des risques ! Au lieu de préparer psychologiquement à l'arrivée à l'hôpital, au lieu d'attendre 20 minutes un Papa, allez hop on emmène manu militari et on découpe... Arrivée à 3h du matin, jusqu'à 18h, ils avaient pas le temps de faire un suivi plus proche, de donner des explications sur les suites possibles pour que cela puisse être digéré, pour être sûrs que le Papa puisse être là ? Il semble qu'ils aient eu le temps de voir une dégradation progressive, ou en tous les cas une possible situation à risques, au cours de l'après-midi...
SupprimerEt même après la césarienne, même sur brancard, fauteuil roulant, ne peut-on pas permettre à la Maman de voir son enfant ?
Quelle extrême violence envers vous, dans ce récit... L'organisation des soins laisse encore à désirer il me semble !
La fin justifie-t-elle toujours les moyens ?
Ces témoignages sont vraiment touchants et je m'y retrouve complètement.
RépondreSupprimerMa fille est née à 30SA+3j en juillet dernier, aujourd'hui elle a 5 mois passés et en pleine forme.
Seulement ces 40 jours passés réa et néonat c'est marquant et j'y repense quasiment tous les jours. De la culpabilité, tout est arrivé très vite... pareil une fièvre qui sort de nulle part, une infection inconnue, et en quelques heures bébé est là. On est super heureux mais tout s'effondre quand on réalise que notre bébé, notre précieux n'est pas à nos côtés et il nous manque tellement.
Pour notre part tout s'est bien déroulé ouf ! Mais j'en ai pris un coup et j'ai encore beaucoup de mal à accepter ce qui s'est passé.
Mais bien heureusement notre princesse se porte comme un charme et je l'aime infiniment.