10 Grâce / à cause d'Eux

Quand je regarde ma vie, elle a changé sur tellement de points que je ne pourrais les lister.
Dire que ma vie n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était est un constat que je ne fais pas avec amertume mais plutôt avec le sourire aux lèvres quand je vois ce que je suis devenue grâce et à cause d'eux.

Parfois même, je peine à me souvenir de ce que j'avais avant eux.
Les nuits à ne plus en sortir, à ne plus en finir.
La possibilité de faire exactement ce que je veux. Quand je le veux.
Les trajets en silence.
Le temps qui n'est jamais compté ou si peu.
Pas de montre à regarder, pas de "il faut y aller". Jamais.

Et désormais, tout est chamboulé, tout est bouleversé, grâce et à cause d'eux.
J'en ai appris des choses (et j'en apprends encore).
J'en ai des réflexes, des mots qui me viennent, des habitudes prises. Grâce et à cause d'eux.
J'ai eu envie aujourd'hui, de nommer quelques choses qui ont changé. Futiles et drôles parfois.
Profondes et indéfinissables certainement.



1. En voiture, même quand je suis seule au volant (ce qui arrive peu souvent je vous l'accorde) et que je prends l'A40 et ces nombreux tunnels, j'ai envie de crier "Tunnel du Temps!!!!". Je le fais d'ailleurs. A voix basse et en souriant. Ou en hurlant.
"Tunneeeeeeel du Teeeeemps!! "

2. Le soir, avant de m'endormir, j'attends toujours dix/quinze minutes avant d'entamer mon compte à rebours pour plonger dans le sommeil. J'attends d'être certaine qu'ils dorment tous, parce que rien n'est plus difficile pour moi que de me faire réveiller quelques minutes après m'être endormie. Et puis je pense en silence à toutes les choses horribles qui pourraient nous arriver et je prie je ne sais qui pour qu'il n'arrive rien aux enfants. Juste eux. Qu'on les épargne autant que faire se peut.

3. J'enlève les petits fils des mandarines et je coupe les raisins en deux pour en ôter les minuscules pépins avec les doigts. Je prépare toujours deux mandarines que je coupe en deux. Pour qu'ils puissent commencer par une, goûter l'autre, et terminer par la meilleure des deux.

4. Il y a des mots qui ont changé. On ne mange pas des Nesquick mais des Biskuits. On ne regarde pas la Petite Taupe mais la Peuto. Ce n'est pas Clochette mais Lala, ni la Belle au bois Dormant mais Aurore. On ne souhaite pas du Ketchup et de la Mayonnaise mais "de la Mayo et de la Mayonnaise". On mange des pommes de terre frites ou de la purée-jaune, des Gros Suisses (parce qu'il n'y en a pas assez dans les petits). Et des Rayourt. A la vanille de préférence.

5. Dans mon bain, j'écoute les blagues de Grand Nain, je regarde et m'extasie exagérément positivement devant les dessins du Moyen, je vernis les ongles de Micro posés bien gentiment sur le rebord et j'enlève la robe du bébé de Nano qui la jette contre les murs d'énervement. Avant de reposer la tête en arrière et de fermer les yeux. Et d'entendre "Moi aussi vernis maman" parce qu'elle a croisé sa sœur dans le couloir.



6. Je sais que l'assiette Reine des Neiges est pour Micro, avec le verre de la Princesse Aurore. Mais avec la chaise de Nano parce que les filles ont décidé d'échanger leurs chaises. Je sais que Moyen veut qu'on lui coupe la moitié des gnocchis trop chauds mais qu'il préfère manger les autres entiers, puisqu'ils auront eu le temps de refroidir.

7. Je trie mes yaourts (Rayourts donc) dans l'ordre de consommation. Les "à manger" devant et les autres cachés derrière. C'est un réflexe. Même si jamais rien ne se périme dans mon frigo. Du coup, ils annônent tous la date de péremption au moment de tirer sur l'opercule. Et concluent par un " ça va, c'est bon".

8. Je me souviens de tous mes Disney. Finalement je n'ai pas perdu beaucoup et je suis capable de chanter l'Histoire Éternelle ou Partir là bas, comme il y a 20 ans (OMG) quand je les entonnais avec ma sœur. Le soir, on chante "Belle" en prenant une voix de débile pour faire Gaston et quand j'enfile des tee-shirts, je précise "Je vais vous scanner".

9. J'ai un tatouage Minion sur le bras et quand Nano le voit elle crie "Banana" (d'ailleurs elle a le même). Je me lave au Bébé Cadum et je leur pique leur Mustela. Je grignote des madeleine et je pique la compote à boire Pomme Cerise puisque personne n'en veut. J'aime encore assez les pomme de terre sourire et les pâtes alphabet. Je m'assois sur les Stokke et me vautre sur leurs coussins, je connais toutes les blagues d'Astrapi et je suis capable de reconnaître quelques méchants de Star Wars (avec de l'entraînement). Je comprends Nano sans le décodeur et je ne demande jamais de glaces puisque je vais en finir trois. Je fais d'abord les soldes pour eux, et ensuite pour moi.

10. Je me sèche avec une serviette Babar et je ne mange pas souvent assise le midi. Je lis la carte de France aux toilettes en alternance avec les tables d'addition et de multiplication. Je bois dans le verre Monsieur Madame ou Cendrillon et je racle les fonds de Rayourts à la mini-cuillère. 
Je sais à quelle marche du toboggan elle a besoin de moi. Je marche le plus au bord du trottoir pour qu'ils n'y aillent pas et je cherche toujours l'enfant qui n'est pas là même quand j'ai les quatre autour de moi. Je ne mets plus de deux pièces, jamais plus c'est fini. 
Ne jamais laisser un épilateur branché.
Retourner la queue des casseroles.
Bien fermer le tiroir à couteau.
Ôter les bancs du dessous des fenêtres. Faire toujours attention aux fenêtres.
Toujours un oeil sur eux.



Je vis avec et pour ceux qui me semblent être toujours là.
Et même quand ils ne sont pas là...je vis comme si.