Cinq

Tu me dis souvent "je suis l'intrus".

Parce que tu es blonde, aussi blonde que ta soeur est brune.
Parce que tu es gauchère, parce que tu as du mal à découper, parce que nous perdons souvent tes ciseaux de gaucher, nous les droitiers.

Tu détonnes, tu illumines.
Tu as cinq ans ma fille, ma douce, ma blondeur, mon sucre.
J'ai décidé d'être niaise, j'ai le droit, j'ai le droit de t'acheter du rose après deux garçons, j'ai le droit de te faire des tresses ratées, comme Elsa, tu dis "ça tire mais ça ne fait rien Maman".

Tu as été le bébé idéal, celui qui m'a fait dire "en fait c'est facile d'avoir un bébé, je ne savais pas, je ne savais plus".
Tu es celle qui pleure comme un loup quand elle est épuisée. Tu es celle qui hurle comme une mégère quand elle est agressée. Tu es celle qui se blottit dans mes bras. Peu importe le chocolat autour de ta bouche.
Tu es celle qui se prépare seule le matin, qui se débarbouille et se met son parfum.
Tu serres ta soeur dans les bras et tu me dis "je lui donne la Barbie, elle crie trop et dans cinq minutes, elle en aura marre et je vais la récupérer". Tu as vite compris.

Tu fais tes premiers légos à côté de moi, des légos DE FILLE que ton frère a choisi pour toi, parce qu'il voyait bien que tu en avais ras le bol de décapiter du Jedi. Quand je vois avec quel soin ils ont choisi tes cadeaux, tous les trois, j'espère que tout ça restera.

Tu as dans ton lit des milliers de peluche mais il en manque toujours une. Tu as sur ton dos une de tes innombrables robes qui tournent (je plaide coupable). Et un sabre laser.

C'est marrant tant tu es différente de moi, petite princesse.
Tu sais très bien où.
Tu sais très bien quoi.
Tu y arrives seule.Tu ne doutes pas.

On se met du vernis et du bain moussant pour se faire des barbes de Père Noël.
On se regarde quand ta soeur fait une colère débile et on se marre en douce, on lui dit "oui oui" et on attend que ça passe. Tu apprends à lire toute seule. Tu sais que tu sais.


Tu me tiens la main mais tu sais la lâcher.
Tu sais que je reviens.
Tu sais que je suis là.

Ma Yaya, dirait ta soeur....
Tu skies, même des pistes rouges.
Tu manges des tonnes de chocolat.
Tu veux qu'on te gratte le dos.
Et tu n'aimes que l'eau.



Tu as cinq ans aujourd'hui et demain ça fait dix me dis-tu.
Deux mains ça fait dix oui.
Aujourd'hui ça fait cinq et profitons-en. De tes tutus et de tes boucles, de tes cris de ninja et de tes fous rires, de ta bonne humeur et de tes bouderies qui ne durent jamais très longtemps.

Tu es née il y a cinq ans, je n'en reviens pas, j'ai hurlé et tu étais là.
Petite Yaya.

Je ne me reconnais pas toujours en toi, ça me rassure de me dire que je ne sais pas du tout ce que tu vas devenir.
Tu m'épates et j'ai confiance.
Tu me surprends. Tu me dépasses.
Tu te regardes dans la glace et tu me dis je suis jolie.
Je te dis ce qui compte c'est surtout d'être gentille.
Tu me réponds que tu vas essayer d'être gentille et jolie.
Je pense que c'est plutôt bien parti.